Catherine de Marignac

Vous travaillez avec Jean-Paul Gaultier, une figure plutôt iconoclaste qui affirme que la mode conservera toujours une place à part. Je le cite “C’est un besoin de reconnaissance visuelle, de revendication même”.
J’aimerais rebondir sur l’engagement des femmes dans la société. Sur l’image de la femme dans la société.
La mode serait-elle pour vous- une façon de militer ? Est-ce convaincre les femmes, quel que soit leur âge, leur corps, leurs parcours, qu’elles ont le pouvoir de s’exprimer ? Etes-vous une “voix” ?
Je crois avoir vécu une époque privilégiée ; j’ai eu la chance de mener à terme une formation d’avocate, de bénéficier d’une solide éducation. Il n’y avait pas de ségrégation entre les hommes et les femmes durant mes études.
Par la suite, j’étais la seule femme avocate dans l’Etude où j’ai travaillé comme stagiaire, puis comme collaboratrice, et j’ai eu la chance de pouvoir moduler mon temps de travail avec une grande flexibilité (100%, puis 50% et, lors de ma quatrième grossesse, 25%). Une telle opportunité serait certainement exceptionnelle, voire impossible aujourd’hui.
La société a évolué, pas forcément de façon positive, tant pour les femmes que pour les hommes. Les exigences du monde du travail sont phagocytantes pour les deux sexes. Des femmes, de plus en plus nombreuses, se retrouvent seules, ayant tout sacrifié à une carrière qui n’est pas aussi épanouissante que prévu, à un âge où le désir de fonder une famille se fait pressant.
Il est, bien entendu, normal qu’hommes et femmes bénéficient des mêmes droits, quels qu’ils soient. Le machisme n’est pas tolérable. Mais le féminisme, souvent violent, que l’on voit émerger de plus en plus, n’est également pas tolérable.
De tout temps ce sont les femmes qui traditionnellement ont élevé les enfants : c’est par elles que l’égalité des droits entre filles et garçons peut se construire de façon naturelle. L’apprentissage, dès le plus jeune âge, du respect de l’autre, quel que soit son genre ou sa couleur de peau, est essentiel.
Les êtres humains ont un instinct de survie et de reproduction que l’on ne peut changer. Hommes et femmes sont biologiquement programmés pour cela mais différemment. C’est un fait.
Heureusement, les humains ont également une conscience pour leur permettre de contrôler ces instincts dans le respect de l’autre, qu’il soit homme ou femme.

Il appartient à chaque couple , quel qu’il soit, de choisir la répartition des rôles et des fonctions pour trouver l’équilibre qui lui convient. Je considère aussi que le partenaire qui assure la gestion du foyer familial doit être rémunéré pour le travail qu’il accomplit afin de lui offrir une indépendance financière. Cela mettrait fin à la dépendance totale dans laquelle se trouvent encore de trop nombreuses femmes face à leur conjoint.

Dans cette thématique : Avez-vous hésité à devenir mannequin lorsque vous avez été remarquée ? Avez-vous songé un instant aux “qu’en-dira-t-on ?”
Nous nous sommes réunis en famille. Un grand éclat de rire pour commencer …
Vous savez, votre image s’expose. C’est donc un choix familial.
Au sujet des “qu’en-dira-t-on”, à mon âge on ne s’en préoccupe plus vraiment ! Les femmes de ma génération sont heureuses de pouvoir enfin s’identifier à une image qui leur ressemble; et les jeunes mannequins sont soulagés de réaliser que leur carrière peut durer.

On m’a dit que je ressemblais beaucoup à Carmen Dell’ Orefice née en juin 1931. Je suis honorée.