Partisan Collector. L’essence du beau.

Interview de Mathias Lepetit et Patrick Vachey

Lorsque j’ai découvert la nouvelle marque Partisan Collector, j’ai aussitôt été séduite par les images de ces sacs luxueux, aux coupes uniques et sensuelles, voluptueuses qui éveillent les sens, qui ont éveillé mes sens, mais j’ai aussi été curieuse de ce nom qui contient deux mots puissants et louables : le partisan et le collectionneur.

 

Mathias Lepetit et Patrick Vachey se sont associés en 2020 pour créer Partisan Collector. Mathias est sellier-maroquinier de formation, il a travaillé dans une grande maison du luxe , et il a surtout grandi dans un environnement familial d’éleveurs et marchands de chevaux, en Normandie. Cette proximité de la nature, de la sellerie, et de la beauté sont aujourd’hui des sources d’inspiration. Patrick quant à lui est spécialisé dans le développement durable et la RSE. Il a notamment travaillé dans le secteur associatif sur les problématiques du commerce équitable.

Tous deux partagent de nombreuses références esthétiques privilégient le beau et l’éloge de la lenteur.

Grâce à Laetitia Berthoud, directrice de Utopy Agency à Genève, j’ai découvert cette marque qui s’est fixée comme limite une production de 365 sacs par an. Un chiffre clef qui reflète le caractère exclusif de Partisan Collector. Nous avons pu ainsi définir ensemble ce qu’est “être partisan” aujourd’hui et être collectionneur.

Mathias, Patrick, je me sens très privilégiée de présenter Partisan Collector dans Le Magazine, le blog de l’agence wepopup

Pour commencer, pourriez-vous nous définir la “raison d’être partisan” aujourd’hui ? être partisan relève de l’engagement, d’une démarche activiste ; qu’en est-il vraiment pour vous ?

Le modèle industriel actuel va à l’encontre de l’urgence climatique et poursuit, sous couvert d’innovations technologiques plus vertes, une course aux volumes et aux marges, des pratiques qui nous semblent contraires à la définition du luxe. Aujourd’hui le mot luxe fait référence à une industrie, une version industrialisée de l’artisanat, dans laquelle le mot artisan se trouve réduit à un argument marketing. Dans la majorité des cas, l’artisan est devenu un simple opérateur sur une chaîne d’assemblage.

Partisan est l’amalgame de Paris et d’Artisan. Être partisan, c’est fabriquer et s’approvisionner localement, utiliser la matière existante, confier l’intégralité de la réalisation d’une pièce à un même personne, garder le contact avec la matière et rester conscient de ses origines, valoriser une matière particulière dont les origines animales ne doivent pas être oubliées, rémunérer au prix juste les artisans en tenant compte des réalités locales, avoir un impact environnemental le plus faible possible, notamment en limitant notre production à 365 pièces maximum par an. Être partisan c’est une façon de produire et de consommer.

Collector fait référence au collectionneur, à l’amateur du temps long, celui de l’artisanat, celui de la sobriété.

Pouvez-vous nous parler de vos engagements en termes de matières ? Le cuir est un matériau noble : depuis des siècles il se transmet de génération en génération. Il se transforme, il se recycle… D’ailleurs je crois que vous avez conservé le portemonnaie de votre grand-père.

Oui, nous conservons le porte monnaie de mon grand-père qui est à l’origine de la ligne Papillon. Il date des années 70 et 50 ans après il est toujours en excellent état.

Ce qui fait  la spécificité du cuir, ce sont ses origines animales, ce qui pour nous lui confère une valeur supérieure qui impose une utilisation respectueuse et limitée. Depuis toujours le cuir est le résultat de la valorisation d’un déchet alimentaire. On oublie trop souvent de faire le lien entre l’élevage des animaux, la production de viande et le monde de la mode, mais ces 3 dimensions sont intrinsèquement liées.

Vous travaillez plusieurs types de cuir, animal, doit-on préciser aujourd’hui. Le cuir a eu mauvaise presse ces dernières années. Certaines maisons de luxe souhaitent bannir le cuir d’ici à 2025 et prônent ainsi une démarche responsable.

Oui, par définition, le cuir est d’origine animale. Notre modèle repose sur l’utilisation de la matière existante, des cuirs issus des excédents et stocks dormants des tanneries et grandes maisons françaises. Les questions éthiques sont complexes et malheureusement trop souvent utilisées à des fins marketing. Aussi longtemps que nous consommerons de la viande, il nous paraît sensé de transformer les peaux en cuir. Ceci étant dit, il nous semble urgent de consommer moins de viande et donc de produire moins de cuir, par conséquent moins de sacs mais de meilleure qualité et durables.

Comment procédez-vous pour le sourcing du cuir et assurer sa traçabilité ?

Nous sélectionnons des cuirs issus des stocks dormants et tannés exclusivement en France ou en Europe. La législation européenne en vigueur est très stricte. Elle garantit le contrôle des conditions de travail et le respect des normes environnementales. Nous privilégions des cuirs tannés de façon à conserver leurs caractéristiques naturelles, des cuirs dits pleine fleur sans finition synthétique, ce qui garantit des qualités esthétiques et une plus grande longévité. Par ailleurs, plus le traitement du cuir est naturel, plus il est facile à recycler. Les cuirs de bovins que nous choisissons, essentiellement des cuirs de veau, proviennent de deux tanneries, l’une située en Auvergne, l’autre en Alsace.

Pour les cuirs exotiques, nous nous fournissons exclusivement auprès d’une grande maison de luxe propriétaire d’élevages de reptiles et crocodiliens, ce qui lui permet de contrôler les conditions d’élevage. Par ailleurs, dans le respect de la Convention de Washington sur le commerce international des espèces menacées, chaque peau exotique est associée à un CITES, une sorte de pièce d’identité qui détermine la provenance de la peau. Ici se pose la question de la biodiversité et de la préservation des espèces, parfois sur exploitées sous le coup de la tendance, c’est pour cela que nous nous conformons strictement aux recommandations de l’Union Internationale de Conservation de la Nature qui établit chaque année la liste des espèces menacées.

Que pensez-vous des alternatives végétales ?

Aujourd’hui nous prônons l’utilisation de l’existant plutôt que la fabrication de nouvelles matières. D’un point de vue écologique, la fabrication de ces matériaux est discutable. Elle nécessite l’ajout de composants issus de la pétrochimie pour leur assurer maintien et solidité. Par ailleurs, à ce jour, leur durabilité reste inférieure à celle du cuir, sans parler de leurs caractéristiques esthétiques. C’est pourquoi nous trouvons ces alternatives intéressantes mais pas suffisamment abouties. Mais nous pensons que d’ici peu, elles pourront constituer non pas un substitut au cuir mais un complément, dans un contexte de réduction de la consommation de viande.

J’aimerais évoquer votre Savoir-faire. Comment parvenir à la fabrication d’un objet d’exception tel que le sac Butterfly ? Quelles sont les grandes étapes ? Combien d’heures nécessite la fabrication du sac Butterfly ? Comment éveiller nos sens ?

C’est Mathias qui est chargé de la création des modèles. Cela commence par une idée, un croquis, la réalisation de gabarits en vue de la coupe des différents éléments qui constitueront la première version du sac, c’est-à-dire son prototype. Ensuite, nous confions la réalisation d’un tout 1er exemplaire à une maroquinière, procédons à différents ajustements avant d’établir le dossier technique et la version finale des gabarits de coupe. Chaque gabarit correspond à un élément du sac et sera posé sur une ou plusieurs peaux pour en permettre la coupe. L’étape qui suit consiste à refendre puis parer les différents éléments du sac, c’est-à-dire tailler le cuir dans son épaisseur puis, retirer à nouveau de la matière sur certaines zones définies à la périphérie de chaque élément.

Après ces étapes dites de préparation, on commence l’assemblage des différents éléments du sac. On compte par exemple 26 éléments pour le sac butterfly auxquels s’ajoutent les pièces métalliques : boucle, passants et fermoir. La doublure est collée puis, étape par étape selon la méthode de montage choisie, on associe et assemble les différents éléments du sac.

Le montage choisi pour la ligne Papillon est dit à l’Allemande et repose essentiellement sur un assemblage sellier ou en bords francs. Les tranches de cuir sont apparentes. Elles sont successivement et en alternance poncées et enduites de couches de teinture acrylique. On parle d’astiquage des tranches. C’est l’étape finale, celle des finitions qui sera suivie par le  bichonnage : le contrôle qualité et la mise en forme de l’objet.  On s’assurera alors qu’aucun point de colle ne reste sur le sac, que les fils ont été convenablement arrêtés.

A titre d’exemple notre petite besace papillon nécessite en moyenne 24 heures, c’est 3 jours de travail, de la préparation aux finitions. Le temps de travail peut varier ensuite en fonction de la nature des matières choisies pour la fabrication du sac.

Fabriquer un sac requiert précision, rigueur, résilience parce que l’on est jamais à l’abri d’une erreur mais aussi une excellente dextérité bien sûr, un sens du toucher très développé. Mon professeur de sellerie-maroquinerie nous disait souvent que nous devions “avoir des yeux au bout des doigts”.

Pourriez vous nous parler de votre équipe, composée exclusivement de femmes je crois ?

A ce jour, nous travaillons effectivement avec trois artisanes. Expertes formées à la sellerie-maroquinerie dans les ateliers de production des plus grandes maisons, elles ont ensuite créé leur marque indépendante et fabriquent aussi en parallèle pour d’autres créateurs. Chacune possède la compétence désormais rare de pouvoir fabriquer une pièce du début à la fin. C’est essentiel pour nous de leur permettre de réaliser des pièces dans leur intégralité, de valoriser un savoir-faire qui malheureusement se perd avec le modèle de fabrication industrielle.

Partisan Collector, c’est aussi une aventure humaine. Nous fonctionnons comme un collectif que nous projetons de développer au fil du temps en nous associant à d’autres artisans spécialistes du cuir et d’autres matières.

J’aime cette idée de transmission et de durabilité; autant dans un accessoire en cuir, que dans la transmission d’un savoir.

Quelle.s formation.s doivent être conseillées pour la jeune génération qui nous lit et qui serait tentée par un cursus de sellier-maroquinier ?

On peut se former aux métiers de la maroquinerie en formation initiale du CAP au bac professionnel, mais aussi en formation continue ou en cours du soir..
Les centres de formation peuvent être publics, des lycées professionnels, ou privés tels que La Fabrique à Paris.
Pour faire face à des difficultés de recrutement, les grandes maisons ont aussi développé des écoles internes.

Dans mon cas, après un CAP de maroquinerie et une formation d’un an en sellerie-maroquinerie, c’est-à-dire cousu main, auprès d’un ancien artisan de chez Hermès. J’ai intégré l’école des commandes spéciales d’une grande maison pour y poursuivre mon apprentissage. C’est un savoir-faire qui s’acquiert dans le temps, dans la répétition du geste, mais pas seulement, il nécessite d’expérimenter différentes techniques et matières, pour développer un savoir-faire à la hauteur de sa propre créativité ou de celle des autres.

Pour finir j’aimerais découvrir vos sources d’inspiration. Le Butterfly me fait penser à deux selles superposées, et je retrouve ici, Mathias, votre histoire, puis-je parler d’un retour aux sources ?

Mon grand-père marchand de chevaux m’a offert ce porte-monnaie à l’origine de la ligne Papillon. L’association avec deux selles superposées fait bien sûr sens, même si cette idée n’était pas à l’origine de ma démarche créative.

C’est aussi par l’équitation que j’ai découvert le cuir. Et choisir de travailler cette matière m’a permis de renouer avec un pan de mon histoire familiale et de satisfaire mon besoin d’imaginer, de concevoir et de fabriquer. Oui, on peut parler d’un retour aux sources !

Votre communication est architecturale, un peu années 30, elle est aussi audacieuse et extrêmement élégante. Ce qui me plait beaucoup pour diverses raisons. Mathias et Patrick, Racontez-vous !

Oui, c’est vrai que nous aimons beaucoup et trouvons très inspirants les mouvements culturels et artistiques du début du 20ème siècle en Europe, notamment de l’art nouveau et ses motifs inspirés de la nature tels que le papillon. Mais aussi les mouvements modernistes, parmi lesquels l’école du Bauhaus que nous trouvons tout aussi inspirante.

A chaque fois, il y a cette approche d’un art total multi-disciplinaire, le recours et la valorisation de l’artisanat en opposition au modèle industriel, une philosophie qui fait fait écho avec nos valeurs personnelles et celles de notre marque.

Nous nous sentons très proches des idées défendues par le mouvement Arts & Crafts en Angleterre mais aussi par la pensée Mingei japonaise, celle de la beauté simple et authentique.

Edouard Auffray partage aussi cette approche de l’objet. Les deux séries photos sur lesquelles nous avons collaboré le montrent.